Côté sœurs
Il s’agit d’une proposition d’installation : montages photographiques, vidéo … mettant en scène le CORPS NU de deux sœurs, tour à tour modèles et photographes.
Il s’agit d’une réflexion amusée ou sérieuse sur leur sororité, sur son évolution aux abords d’une maturité qui les fait se pencher sur les étapes de leur vie, et qui s’exprime aujourd’hui dans la complicité d’une démarche artistique commune.
Qu’ont-elles donc à dire, les « sœurs », sur ce qui les fait plus proches qu’étrangères, plus filles que femmes ou mères, plus complices que rivales ?
Qu’ont-elles à dire de ce long voyage qu’elles font si près l’une de l’autre entre naissance et mort, de ce plaisir rafraichissant de jouer avec des règles bien à elles, de ce rapport à l’enfance qui ne les infantilise pas, d’un âge qui en modifiant les corps leur rend la liberté de ne pas chercher à séduire, de cette sororité donnée et tricotée jour après jour ?
Montrer la « matière » du lien qui nous relie ne nous laissait d’autre choix photographique que la nudité qui boute hors champ tous les marqueurs sociaux. La nudité seule peut donner à « entre-voir ». Pas d’angélisme dans cette démarche ni d’exhibitionnisme : être sœurs, c’est vivre face à un miroir qui renvoie l’image de deux visages, c’est aussi rapprocher à petits points de brodeuse, (héritage de nos grands-mères ?) les bords de cette plaie qu’Abel et Caïn n’ont pas su recoudre.
Le corps dépourvu des artifices vestimentaires est libre dans ses mouvements. Cette liberté lors des prises de vue offre au regard des corps à l’érotisme si naturel qu’il en devient presque absent, le sexe s’il est entrevu reste pudique, les disgrâces du corps sont visibles sans être exhibées.
Vieillir est difficile, raison de plus pour en rire entre sœurs qui n’ont rien à se cacher, et retrouver une relation à un corps qui comme dans l’enfance ne cherche pas à paraître et se contente d’être.
Les prises de vues :
A l’occasion de ce travail notre sororité s’est exprimée sans idées préconçues, sans peur de jouer avec tous les symboles, en osant jusqu’au ridicule, dans un désir de laisser toutes les portes de l’imaginaire ouvertes.
Des objets tirés des tiroirs de nos grands parents et qui nous ramènent à notre enfance africaine, une barre fixe où se suspendre, des bancs d’où sauter et chuter, des étagères où se glisser… voilà quelques appuis originels de nos mises en scène.
Utilisant le retardateur quand nous voulons être toutes deux sur l’image, agissant de nuit pour les prises de vues à l’extérieur (discrétion oblige !), ou utilisant une chambre de la maison d’enfance, c’est l’improvisation et l’humour qui dirigent nos séances de prises de vues, (aucune idée aussi folle soit-elle n’est écartée à priori).
Les montages photographiques :
Le montage sur Photoshop nous permet dans un deuxième temps d’affiner l’exploration de pistes qui se dégagent alors presque d’elles-mêmes. Pistes qui se mêlent, s’écartent, s’entrecroisent :
- celles du lien à l’enfance, à son énergie et à sa poésie.
- celles du lien à la nature perçue comme un monde enchanté où les fées existent, où les pipistrelles peuvent être des princesses, où l’on peut rebondir dans des cascades, franchir des éclairs lumineux, enjamber des hirondelles joueuses..
- celles de la sororité, cette histoire de rivalité-complicité, de séparations et de retrouvailles, de veille mutuelle discrète et sûre.
Les « portes de l’imaginaire » évoquées plus haut, nous les franchissons dans certains de nos montages. Egalement présentes dans l’installation (porte-cadre ou porte-suspension), elles représentent la possibilité d’entrer ou de sortir, elles deviennent alors la métaphore de la nudité comme seule « porte » permettant de voir lisiblement ce que les sœurs montrent de leur relation.
La vidéo :
Assises côte à côte sur deux chaises, les sœurs sont filmées de face en plan fixe. L’une des sœurs, vêtue d’un pull-over, emplit des grilles de mots-croisés. L’autre, nue, s’empare d’un fil du pull et commence à se tricoter une écharpe…
L’éclectisme apparent de ces propositions compose un univers qui a la cohérence chaotique de la vie. Ces autoportraits où les deux sœurs se regardent et se montrent avec dérision et humour, nous les revendiquons comme d’authentiques fenêtres sur notre vérité intime. Les objets utilisés, les artifices de montages et d’incrustations, révèlent un imaginaire commun né de l’enfance, nourri dans un rapport constant avec la nature, enrichi de nos différences et de notre complicité de sœurs.